Non, la tentation dont il est question n’est pas du genre qui se grignote avec un verre de lait. Il s’agit plutôt du type de tentations qui suit une bonne récolte et la rentrée d’argent qui l’accompagne souvent.
Pour plusieurs, le point culminant de la saison des récoltes chevauchera une autre période critique, celle de la planification de l‘impôt sur les revenus de 2020. J’aimerais vous partager quelques réflexions découlant des nombreuses discussions que j’ai eues avec des productrices et producteurs agricoles sur les décisions prises au cours de cette période et sur les tentations de dépenses qui se présentent.
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1. L’achat d’actifs : une solution fiscale?
L’achat d’un actif en fin d’année afin de réduire l’impôt à payer est une pratique que l’on observe parfois. Dans les faits, l’acquisition ou le renouvellement d’actifs devrait tout d’abord reposer sur une analyse des besoins, des projections budgétaires sur quelques années et un plan d’immobilisations. Certains changements sur l’amortissement fiscal pourraient toutefois inciter des entreprises à omettre cette étape. Un des comptables reconnus pour sa connaissance du secteur agricole me disait qu’il est possible depuis quelques années d’amortir 45% de la valeur d’un tracteur la première année de son acquisition, et ce, même si l’acquisition est réalisée en fin d’année.
Ce type de décision pourrait en effet réduire le fardeau fiscal de l’entreprise les premières années. Mais gare aux impacts à moyen terme. Un décalage important pourrait apparaitre entre l’amortissement fiscal et le paiement en capital sur les futurs prêts contractés pour faire l’achat. Après 4 ans, l’actif aura quasiment été amorti mais il faudra encore assumer le paiement en capital. Cette situation pourrait être difficile à soutenir si la marge n’est pas au rendez vous.
Est-ce que l’achat d’actifs peut tout de même constituer une bonne stratégie? Oui, si vous avez pris le temps d’analyser les gains et les impacts!
2. Se poser LA question
En ai-je vraiment besoin? Cette phrase fétiche du chroniqueur Pierre-Yves Mc Sween porte nécessairement à réflexion. Dans son plus récent livre il « remet en question notre façon de dépenser et insiste sur la nécessité de se construire une marge de manœuvre financière ». Bien que cet ouvrage ne porte pas directement sur le secteur agricole, les réflexions qui y sont proposées sur l’endettement, sur la prise de décisions rationnelles et bien plus sont d’intérêt pour tous. « La question est toujours la même », nous dit-il, « comment cet investissement me permettra-t-il d’augmenter ma valeur et mon bonheur? ».
3. Prendre le recul nécessaire
Inévitablement, les derniers mois ont une grande influence sur la prise de décision puisqu’ils sont encore frais en mémoire. Une bonne récolte par exemple peut occulter une saison remplie de défis de toute sorte. Cette année, plusieurs ont dû ressentir un stress financier important alors que la rentabilité des cultures était en jeu, pour finalement bien s’en tirer.
La saison 2020 met en relief le fait que les défis en agriculture sont une réalité avec laquelle il faut composer et intégrer dans sa gestion, malgré un bon dénouement. La présence de différents programmes de gestion des risques ne doit pas faire oublier que les entreprises doivent être en mesure d’autogérer leurs propres risques sur le moyen et le long terme.
Si les points soulevés plus haut ont généré plus de questions que de réponses, il pourrait être intéressant de consulter un conseiller spécialisé. Des options vous seront proposées afin d’optimiser le fardeau fiscal d’une bonne année, sans compromettre le futur de votre entreprise. Optimiser ses impôts ne veut pas dire réduire ses impôts à tout prix. Payer 13% sur les premiers 500 000$ de marge est souvent plus payant que de prendre une décision dont les conséquences se feront sentir encore longtemps.
Enfin, le CECPA produit de nombreuses analyses sur différents secteurs qui peuvent alimenter la réflexion.
Sur ce, bonne période des fêtes et soyez prudents face aux tentations!
Par Francis Goulet